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Risques rocheux : les masses sous haute surveillance

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Le service Risque Naturel de Groupe Géotec mis à l'honneur dans Le Moniteur.

Focus sur les risques rocheux : alors que la fréquence des éboulements s'accélère, les solutions de surveillance se développent.

 

Risques rocheux : les masses sous haute surveillance

Alors que la fréquence des éboulements s'accélère, les solutions de surveillance se développent. Les parades, elles, restent très dépendantes du terrain.
 

Drône - Risques rocheux - Groupe Géotec
Combiné à un drone, le lidar produit des modélisations extrêmement précises de la topographie et permet en outre de « voir » à travers la végétation. (STYX4D)
Par Stéphanie Frank
Publié le 27 mars 2025



Enfin ! Dix-huit mois après l'éboulement majeur de la falaise de la Praz (Savoie), le trafic ferroviaire reprend sur la ligne Chambéry-Modane. Les automobilistes, eux, devront attendre encore quelques mois pour emprunter la RD 1006. La route qui mène aux stations de ski de la Tarentaise a, quant à elle, pu être dégagée en quelques jours après la chute de blocs d'une taille exceptionnelle (lire ci-dessous). Le massif alpin n'est pas le seul concerné : en Dordogne, dans l'Hérault, dans la Drôme ou encore en Gironde, les falaises s'effritent.

« Les versants montagneux subissent la gravité mais ils sont de plus soumis à l'effet de l'eau qui exerce des pressions dans les discontinuités des massifs, explique François Nicot, professeur à l'université Savoie-Mont-Blanc et membre de l'Institut des sciences de la Terre.

Plus les précipitations sont importantes, plus les efforts exercés par l'eau seront élevés, déstabilisant les massifs. » Des phénomènes auxquels il faut ajouter des interventions humaines parfois malvenues, les sollicitations sismiques et les effets du changement climatique. « A haute altitude, la fonte du permafrost transforme la glace en eau, réduisant la cohésion entre les masses rocheuses et augmentant la poussée hydraulique, poursuit François Nicot. En dessous, la variabilité du climat s'accroît, ce qui déstabilise les massifs. » Ces questions sont au coeur du projet national C2ROP consacré aux risques rocheux dont le chercheur assure la direction scientifique.

Entamé en 2014, il est prolongé jusqu'en 2026 en raison de la complexité des phénomènes à l'oeuvre et des nouvelles problématiques liées à la modification du climat.

Instrumentation. La surveillance des versants fragilisés passe le plus souvent par des extensomètres. « Ces capteurs mesurent l'espacement d'une masse rocheuse par rapport à son encaissant et tout écartement entre les deux points est traduit par un signal électrique », explique Romain Meddour, ingénieur géotechnicien spécialisé en risques naturels au bureau d'études Ginger CEBTP. Des inclinomètres, sortes de fils à plomb électroniques posés contre la masse, viennent aussi mesurer son décalage par rapport à la verticale. « Une instrumentation efficace est cruciale car les éboulements rocheux sont des événements soudains », estime Romain Meddour. Certains capteurs sont même reliés à des feux sur la chaussée qui passent au rouge lorsqu'un seuil est franchi.

Et de nouveaux outils apparaissent : « La miniaturisation des drones et des lidars, système à base de laser qui s'apparente au scanner, a permis de produire des nuages de points à très haute résolution qui peuvent être comparés lors de campagnes successives », met en avant Denis Burlet, responsable du service risques naturels chez Géotec. Une technique qui devient peu à peu abordable. Encore très onéreux, des radars interférométriques sont aussi installés face à un versant pour le surveiller en permanence.

Mais toutes ces solutions produisent des quantités de données considérables qui doivent ensuite être traitées. « C'est un goulet d'étranglement car il faut mobiliser des moyens de calcul conséquents », regrette Denis Burlet. L'intelligence artificielle viendra-t-elle à la rescousse ? Le projet C2R-IA (pour « Risque rocheux : utilisation de l'intelligence artificielle pour la gestion opérationnelle du risque ») y travaille.

Pas de parade-type. Néanmoins, « la pose de capteurs et la mise en place d'une surveillance ne constituent pas une protection », rappelait Laurent Dubois, adjoint au chef de groupe risques naturels au Cerema Centre-Est lors d'une journée consacrée aux chutes de blocs en octobre 2024. Les parades peuvent être actives : « Elles consistent alors à jouer directement sur l'aléa par purge, confortement, drainage, végétalisation, contreforts en béton, boulons, grillages ou filets plaqués-ancrés », liste l'ingénieur. Quand elles sont passives, « on autorise le départ de l'aléa tout en venant intercepter les blocs grâce à des merlons, des galeries pare-blocs ou des déflecteurs ».

Lorsque le site n'autorise aucune de ces solutions, il faut réduire au maximum la vulnérabilité des zones menacées, par la construction d'un tunnel, par exemple. « En France, aucun consensus ni norme ne dictent le choix et le dimensionnement d'un ouvrage de protection, souligne Laurent Dubois. Pour un site ou un aléa-type, il n'y a pas de parade-type. Il faut à chaque fois s'adapter, souvent en panachant différentes solutions ». La modestie reste de mise. « Nous devons avoir conscience que nous ne pourrons pas tout protéger, rappelle François Nicot. Nous avons vécu ces cinquante dernières années dans le mythe du risque zéro mais le changement climatique nous montre la réalité de cette utopie ». Définir le niveau de risque acceptable est peut-être l'arbitrage le plus difficile à faire.
 

Risque rocheux - Groupe Géotec


Chutes de blocs : un point noir de la Tarentaise équipé et rééquipé

La falaise qui domine la RN90 entre Albertville et Moûtiers (Savoie) faisait l'objet d'un vaste programme de sécurisation par des écrans de filets pare-blocs lorsqu'un éboulement s'est déclenché début février, détruisant une partie du dispositif. Trois blocs rocheux de 30 t, dépassant la capacité des protections, ont fini sur la route en contrebas, faisant un blessé léger. Le site, composé d'une alternance de roches dures, de grès et de schistes, a connu des éboulements de plusieurs milliers de mètres cubes en 1937 et 1977 et subit aujourd'hui de fréquentes coulées de débris. Il fait l'objet d'un suivi extensométrique et les gorges de Ponserand, qui constituent un point noir sur le trajet, disposent de 1 200 ml de protections. Quant à la zone d'Aigueblanche, elle accueille le plus gros merlon existant en France, capable de supporter une énergie de 150 000 kJ.

Micro-minage. Les bureaux d'études Géotec, pour la DIR Centre-Est, et Sage Ingénierie, pour le département de la Savoie, sont intervenus pour évaluer l'état de la falaise. « La zone de départ était bien identifiée et il restait peu de blocs dans le versant », indique Julien Bourdat, responsable du pôle risque naturel chez Sage Ingénierie. NGE Fondations, en charge du chantier de filets pare-blocs, a procédé à une purge de 10 m3 avant de dégager la route pour permettre l'accès aux stations de ski de la Tarentaise. Quelques semaines plus tard, cinq blocs qui avaient été retenus par les écrans de filets ont fait l'objet d'un micro-minage simultané.
L'entreprise a ensuite repris ses travaux de sécurisation. Le versant reçoit un total de 1 730 ml d'écrans supplémentaires capables de résister à 8 000 kJ, soit le niveau le plus élevé actuellement, fixés sur des poteaux de 10 m de haut pour 8 m de hauteur utile d'interception et retenus par des ancrages.
 

Risque rocheux - Groupe Géotec

 

Risque rocheux - Groupe Géotec

 

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Eboulements : à la Praz, dix-huit mois de travaux pas à pas

Fin août 2023, quelque 15 000 m3 de roches dévalent la falaise de la Praz (Savoie), dans la vallée de la Maurienne, sans faire de victime mais en bloquant toutes les voies de circulation situées en contrebas : autoroute, nationale et voie ferrée. Le site, connu pour son instabilité, était instrumenté depuis 2007.

« Nous avions mis en place des extensomètres, c'est-à-dire des capteurs qui mesurent le déplacement de manière très précise, au dixième de millimètre, et envoient les données qu'ils collectent en temps réel », explique Julien Bourdat, géologue et responsable du pôle risque naturel au sein du bureau d'études Sage Ingénierie, en charge de cette surveillance. Les blocs rocheux qui sont tombés étaient déjà bien identifiés et avaient été sécurisés en 2019 pour réaliser un merlon en pied de versant.

« Nous savions que cette masse allait tomber un jour, poursuit l'expert. Ce qui nous a surpris, c'est la rapidité de son évolution sur les deux dernières années et le déclenchement très rapide de sa chute à la faveur d'une période de canicule suivie d'un orage. » Lorsque l'éboulement se produit, le bureau d'études se rend immédiatement sur le versant qu'il connaît bien. « Il était dans un tel état que nous n'étions pas certains de pouvoir le sécuriser sans mettre en danger le personnel », se souvient Julien Bourdat.

C'est le critère qui dictera toute l'avancée et la durée d'un chantier qui débute à l'automne 2023.

Savoir où s'arrêter de purger. Sur ce site très déstructuré, le département de la Savoie, maître d'ouvrage, Sage Ingénierie et l'entreprise Citem, spécialisée dans les chantiers en hauteur, définissent les travaux au fur et à mesure de leur avancée : minage, purge ou ancrages. « Dans le cas des purges, la grande difficulté était de savoir où s'arrêter car, derrière les blocs restés sur place, la falaise est très fracturée avec des cavités de plusieurs mètres d'ouverture. Il nous est arrivé plusieurs fois de sous-caver en dessous de la zone qui venait d'être traitée et donc de devoir remonter pour la purger de nouveau afin d'éliminer le surplomb ainsi créé », relate Julien Bourdat. Au total, 4 km d'ancrages de confortement de gros diamètre - 8 à 13 m de long - ont été posés à l'hélicoptère et toutes les opérations ont été suivies d'une pose systématique de grillage à l'avancement, soit une surface totale de 23 000 m2. Un chantier hors normes de 13 M€ pour ce versant de 250 m de hauteur orienté nord, sur lequel les cordistes de Citem sont intervenus sept jours sur sept en dehors des périodes hivernales.
 

Risque rocheux - Groupe Géotec

 

Risque rocheux - Groupe Géotec

 

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